Coronavirus - Une infirmière raconte son quotidien en zone Covid

Publié : 2 avril 2020 à 11h28 par Thibaut Paquit

Crédit : Marica Nord / Groupe Facebook Soignants Hauts France Cov 19

Elle a souhaité témoigner anonymement. Cette infirmière exerce à Maubeuge et tous les jours, elle se retrouve en zone Covid-19, face à des patients ayant les symptômes du virus. Depuis le début du plan blanc et du développement du service Covid, elle constate et prend en charge des personnes apeurées, traumatisées. Dans le service, il y a une infirmière et une aide-soignante pour six patients. Elle revient sur les premiers jours : 


« Nos conditions étaient bonnes au tout début. Nous étions toujours en nombre chez les soignants dans le service. Aujourd’hui, les patients sont bien pris en charge dans les différents services du Covid. Nous donnons régulièrement des nouvelles aux familles et on réserve des créneaux pour qu'ils puissent parler à leurs proches, dans la mesure du possible. On ne ment pas aux gens sur leur état et on a aussi des bonnes nouvelles. Beaucoup de personnes qui entrent au CHSA avec des suspicions de Covid-19 sont négatives, donc elles peuvent rentrer chez elles ou être transférées dans d'autres services .... Les cadres font de leur mieux pour nous épauler et ne restent pas dans leur bureau. Ils nous épaulent énormément. »


Quand on lui demande l’âge des patients en zone Covid, elle répond : « Nous en avons accueillis de tout âge. Les patients ont peur et se sentent seuls, de ne pas avoir de famille. La plupart ont le téléphone en chambre ». Rassurer, c’est le mot d’ordre dans ce service.


« Ça nous fait beaucoup de mal d'ailleurs de les voir seuls quand on sait qu'ils partiront peut-être de manière définitive … ».


"Nous aimons notre métier."


Entre soignants, une solidarité et un esprit d’équipe sont nés : « Nous sommes plus soudés que jamais. Nous parlons beaucoup, nous arrangeons nos plannings. Ce qui nous touchent beaucoup, c’est la solidarité des artisans boulangers. Cela nous donne du baume au cœur ». 


Le quotidien, c’est aussi 12 heures de travail : « Nous n’avons pas l’habitude » nous dit-elle. Car tous les jours, c’est le même rituel, s’habiller de la tête au pied : « Ça nous prend un temps fou ». Les soignants utilisent trois masques durant ces heures. Un changement est opéré toutes les 4h : « C’est correct par rapport à d’autres hôpitaux. Mais nous avons des masques périmés depuis des années, aussi … ».


Ces derniers jours, un problème est revenu dans les services : le lavage des surblouses. Les syndicats de l’hôpital sont en colère. Cette infirmière ajoute : « Nous ne sommes plus protégés si elles sont lavées ... Elles sont déjà fines alors passées à 60 degrés il ne doit plus rien en rester. C'est aller au front sans arme. »


Entre soignants, les questions du nombre d’entrées dans les hopitaux et de décès en France restent une énigme : « On se dit que nous sommes loin des chiffres évoqués à la télévision … Parfois, c’est trop calme. On ne sait pas tout, car on ne compte pas tous les décès au domicile … donc le nombre est faussé. Sans compter que les directeurs des hôpitaux ne nous disent pas à combien de décès nous en sommes ».


En guise de conclusion, cette infirmière espère une chose : « Nous voulons le moins de décès possible. Nous aimons notre métier. Mine de rien, accompagner des personnes vers la fin de vie, il n’y a rien de plus horrible pour nous et psychologiquement c'est très dur. Nous faisons de notre mieux à chaque moment, y compris en dehors de la pandémie actuelle. Nos proches sont fiers de nous. »


À notre tour nous vous disons merci.


La Direction sur les questions des surblouses et des décès :


La direction et les responsables soignants n'avancent pas tête baissée sur le sujet et suivront les recommandations d'un protocole qui a fait ses preuves à Colmar. De plus, pour le moment, ces blouses n'ont pas pour vocation à être redistribuées. Pour ce qui est des chiffres sur les décès, la direction ne les a jamais cachés aux équipes. Ils sont communiqués régulièrement aux cadres de santé qui en font le relais.